9 Mai 2017

Sur les traces d’un tsunami martien vieux de 3 milliards d’années

Grâce à des images de Mars Express et MRO, des scientifiques français reconstituent le scénario d’un vieux tsunami martien

L’équipe multidisciplinaire impliquée dans ce travail réunissait le laboratoire de Géosciences de l’Université de Paris Sud, le laboratoire Magmas et Volcans de Clermont-Ferrand et le laboratoire de Géographie Physique de Meudon. « Le contexte de notre étude est original puisque nous avons travaillé sans le savoir en même temps qu’une équipe américaine qui avait publié ses résultats sur la découverte de dépôts de tsunami sur Mars.» explique François Costard, directeur de recherche au CNRS. «Grâce à notre modèle numérique, nous sommes parvenus à remonter à l’origine du tsunami, en identifiant des cratères créés par l’impact d’une météorite, et à reconstituer précisément les propagations des vagues. »

Un cratère de 70 km

Que s’est-il passé dans cette zone de la dichotomie martienne située à la limite entre le haut plateau cratérisé de l’hémisphère sud et les basses plaines de l’hémisphère nord ? Selon l’étude, publiée dans la revue JGR Planets, la chute d’une météorite de plusieurs centaines de mètres de diamètre a entraîné la formation d’un cratère de 70 km de diamètre et 20 km de profondeur. Immédiatement, une vague de 300 m de hauteur s’est propagée à une vitesse de 200 à 250 km/h pour atteindre le rivage quelques heures plus tard. Puis l’océan a reflué et s’est s’engouffré dans le cratère, ce qui a créé quelques heures plus tard, par un effet de rebond, une seconde vague plus haute que la première.

« J’avais repéré les dépôts il y a longtemps sur l’imagerie Viking lorsque je travaillais à l’US Geological Survey (USGS), mais sans parvenir à les interpréter, poursuit François Costard. C’est en retravaillant ces images avec les données de la caméra HRSC de Mars Express et avec celles de l’altimètre MOLA que nous avons découvert qu’il s’agissait de dépôts lobés comme des coulées de boue, de plusieurs kilomètres de largeur, remontant les pentes sur 100 m, qui ne pouvaient correspondre qu’à des tsunamis. »

La piste d’un océan tardif

La présence de dépôts atteste donc qu’il y avait un océan au moment de l’impact de la météorite. Or leur datation, par comptage des cratères, permet de les situer entre 3 et 3,5 milliards d’années, ce qui relance le débat sur la présence d’un océan tardif sur Mars. « De nombreux géochimistes et climatologues n’envisageaient pas la présence d’un océan après 3,7 milliards d’années, à cause de la disparition progressive de l’atmosphère de Mars. Comment celui-là a-t-il pu se former ? Une des hypothèses est que de grands écoulements, que l’on appelle les outflow channels, ont pu se déverser vers les basses plaines de l’hémisphère Nord pour alimenter un océan temporaire. Nous allons continuer à travailler sur cette hypothèse » conclut le chercheur.

Références de la publication

F. Costard, A. Séjourné, K. Kelfoun, S. Clifford, F. Lavigne, I. Di Pietro, and S. Bouley (2017), Modeling tsunami propagation and the emplacement of thumbprint terrain in an early Mars ocean, J. Geophys. Res. Planets, 122, 633–649, DOI: 10.1002/2016JE005230

Contacts

  • François Costard, directeur de recherche à Géoscience Paris Sud : francois.costard at u-psud.fr
  • Francis Rocard, responsable des programmes d'exploration du Système solaire au CNES : rocard at cnes.fr

A : Fronts lobés de coulées mises en place lors d’un tsunami dans la région de Vastitas Borealis (B).
C : Rides de compression produites en amont d’un obstacle topographique. Les vagues du tsunami ont contournés l’obstacle en remontant les pentes sur plusieurs dizaines de kilomètre. Les flèches noires indiquent le sens de l’écoulement.
©Costard et al. , 2017, JGR Planets. AGU publications.

 

 

Propagation des vagues du tsunamis depuis l'impact.
©Costard et al. , 2017, JGR Planets. AGU publications.