14 Octobre 2014

Une couche d'ozone saisonnière au-dessus du Pôle Sud de Mars

Configuration typique de Mars au cours de l'été de l'hémisphère Nord (hiver au sud). Les atomes d'oxygène sont libérés par la dissociation des molécules de dioxyde de carbone exposées au rayonnement UV. L'oxygène suit un parcours (indiquée par la flèche) jusqu'au pôle sud, entrainé par les mouvement de circulation de masse d'air dominant à cette saison. Une fois arrivés au pôle Sud où règne une nuit permanente, l'oxygène se recombine pour former la couche d'ozone observée vers 50 km.

Au cours de la dernière décennie, la mission de l'ESA Mars Express a permis d'explorer l'atmosphère de Mars. Parmi les découvertes de la mission, l'ozone martien y occupe une place à part. Après avoir caractérisé les deux couches d'ozone connues jusqu'alors, l'instrument SPICAM (développé au LATMOS) a permis d'identifier récemment un troisième type de couche au pôle Sud de Mars. Ces résultats, appuyés par des simulations d'un modèle de climat, ont révélé une nouvelle facette de la chimie atmosphérique martienne en interaction avec des phénomènes de circulation atmosphérique globale.

Sur Terre, l'ozone confiné près du sol est considéré comme un polluant. Sa présence à des altitudes élevées (vers 25 km) fournit une protection essentielle contre les rayons ultraviolets (UV) nocifs du soleil. Les molécules d'ozone sont en effet rapidement détruites par le rayonnement UV après l'avoir absorbé. L'ozone est aussi détruit lors de réactions chimiques avec les radicaux hydroxyles (HOx) libérés par la dissociation des molécules d'eau.

Au milieu des années 1970, l'ozone n'avait jamais été identifié ailleurs que sur Terre. C'est à cette époque que le premier cas d'ozone extra-terrestre fut détecté sur Mars avant d'être identifié 35 ans plus tard sur Vénus par la mission Venus Express de l'ESA. Sur Mars, la concentration d'ozone est environ 300 fois plus faible que sur Terre, mais l'instrument SPICAM de Mars Express a permis de caractériser sa très forte variabilité spatiale et saisonnière. Deux couches d'ozone sont généralement présentes dans la région allant de l'équateur aux moyennes latitudes : une couche quasi-permanente située près de la surface et une couche plus élevée (entre 30 et 60 km) n'apparaissant qu'au printemps et disparaissant à la fin de l'été.

Grâce aux observations réalisées au cours des dix dernières années, SPICAM a également fourni la preuve de l'existence d'une troisième couche d'ozone vers 50 km dans la région polaire sud au moment où celle-ci est plongée dans la nuit permanente.

Dans un article publié dans la version en ligne de la revue Nature Geoscience, Franck Montmessin et Franck Lefèvre, deux scientifiques du LATMOS (Guyancourt, France), ont analysé les données SPICAM qu'ils ont ensuite comparées aux simulations d'un modèle climatique développé à l'Institut Pierre-Simon Laplace (IPSL). Ce modèle calcule les réactions se produisant entre les principales espèces chimiques présentes dans l'atmosphère de Mars.

La couche d'ozone découverte au pôle Sud n'a qu'une existence transitoire, bénéficiant de conditions très particulières pour son apparition et son maintien au cours de l'hiver. A ce moment de l'année, la circulation de l'atmosphère s'agence sous la forme d'une cellule globale, similaire à celles rencontrées sur Terre, permettant à l'air chaud présent dans l'hémisphère d'été d'être transporté vers l'hémisphère d'hiver jusqu'au pôle. Ce mouvement d'air amène les atomes d'oxygène créés dans l'hémisphère Nord en été par le rayonnement UV (ce rayonnement casse les molécules de dioxyde de carbone, composant gazeux principal, à haute altitude). Une fois au pôle, ces atomes d'oxygène se recombinent, formant successivement des molécules d'oxygène puis des molécules d'ozone.

D'après les auteurs de l'article, "ce processus de création d'ozone n'a pas d'équivalent sur Terre, et s'apparente plus vraisemblablement au mécanisme contrôlant la formation d'ozone sur Vénus. De sorte que Mars et Vénus fournissent un exemple frappant de la diversité et de la complexité qui régissent les processus chimiques dans nos atmosphères voisines, orientant notre réflexion sur la manière dont ils pourraient opérer sur des corps encore plus éloignés comme les exoplanètes."

Ce mécanisme de circulation globale devrait en principe créer une couche d'ozone aux deux pôles lorsque ceux-ci rentrent en période hivernale, mais l'instrument SPICAM n'a jamais été en mesure de détecter cette couche au-dessus du pôle Nord, une différence confirmée par les simulations. Les auteurs concluent que l'explication de cette différence entre pôles réside fondamentalement dans les variations saisonnières de température causées par la trajectoire orbitale elliptique de Mars autour du soleil. Cette caractéristique impose à l'hémisphère Sud de connaître un été plus chaud et plus humide à haute altitude où la vapeur d'eau est dissociée par le rayonnement UV. Se faisant, les radicaux hydroxyles libérés sont présents en quantité 100 fois plus importante que pendant l'été de l'hémisphère Nord. Ces radicaux sont alors transportés avec l'oxygène par la circulation jusqu'au pôle Nord alors plongé dans la nuit hivernale. Cette présence accrue de radicaux, avec lesquels l'ozone réagit rapidement, limite considérablement la stabilité de l'ozone dans cette région et empêche qu'une couche aussi dense que celle observée au pôle Sud en hiver puisse se former.

"L'étude de l'ozone sur Mars est fondamentale pour notre compréhension des processus photochimiques qui contrôlent le recyclage du dioxyde de carbone, le principal gaz de l'atmosphère martienne", a déclaré Olivier Witasse, responsable scientifique de la Mars Express pour l'ESA. "Le dioxyde de carbone dépend lui aussi des radicaux hydroxyles pour pouvoir se maintenir. Sans ce recyclage, Mars ne pourrait pas préserver son atmosphère actuelle."

Contacts :

Franck Montmessin
Laboratoire Atmosphères, Milieux, Observations Spatiales (LATMOS)
Guyancourt, France
Courriel : franck.montmessin at latmos.ipsl.fr
Téléphone : +33 (0)1 80 28 52 85

Olivier Witasse, Mars Express Project Scientist
Research and Scientific Support Department
Directorate of Science & Robotic Exploration
ESA-ESTEC, The Netherlands
Courriel : Olivier.Witasse at esa.int
Téléphone : +31 71 5658015

Source : ESA