14 Octobre 2014

Une lueur dans la nuit martienne éclaire la circulation atmosphérique

L'instrument OMEGA de Mars Express a détecté une nouvelle émission d'oxygène dans la nuit martienne. L'émission, à la longueur d'onde de 1.27 µm, a été détectée à trois reprises au cours d'une série de 40 observations faites par OMEGA au limbe de la planète.

L'instrument OMEGA de Mars Express a détecté une nouvelle émission d'oxygène dans la nuit martienne. L'émission, à la longueur d'onde de 1.27 µm, a été détectée à trois reprises au cours d'une série de 40 observations faites par OMEGA au limbe de la planète.

Les panneaux ci-dessus montrent, de gauche Ă  droite :

    • une fauchĂ©e de 2.2° de large du limbe observĂ© de nuit avec l'Ă©mission codĂ©e en rose ;
    • la distribution verticale de l'intensitĂ© observĂ© en megaRayleigh (MR) - intĂ©gration Ă  l'azimut. La ligne rouge est une version lissĂ©e de la distribution ;
    • le spectre observĂ© intĂ©grĂ©, montrant l'Ă©mission uniquement Ă  1.27 µm.

    Image de Bertaux, J.-L., et al. (2012)

    Une faible lueur infrarouge détectée au-dessus du pôle pendant l'hiver Martien fournit un nouvel éclairage sur la variation de la circulation atmosphérique de la planète en fonction de la saison. L'émission nocturne révélatrice a été mesurée pour la première fois en 2004 dans des observations faites par le spectromètre imageur OMEGA à bord de la sonde Mars Express de l'ESA.

    Une équipe de scientifiques français a rapporté, dans un numéro récent du Journal of Geophysical Research, la première détection d'émission infrarouge au-dessus des régions polaires de Mars, côté nuit. L'émission, à la longueur d'onde de 1,27 microns, a été mesurée à trois occasions au cours d'une série de 40 observations réalisées par OMEGA au limbe de la planète.

    Les émissions infrarouges ne sont pas inhabituelles dans les atmosphères planétaires. Dans les hautes atmosphères de Vénus et de Mars, des molécules de dioxyde de carbone (CO2) et d'azote (N2) sont dissociées par la lumière ultraviolette du Soleil, ce qui crée des atomes d'oxygène et d'azote.

    Les observations satellite montrent que la circulation thermosphérique de Vénus est caractérisée par un fort courant d'air depuis les zones les plus chaudes, point subsolaire (midi local), vers le point antisolaire (minuit local). Le gaz plus froid côté nuit commence ensuite à descendre.

    Le gaz, lors de sa descente dans l'atmosphère arrive dans des zones plus denses, permettant aux atomes d'oxygène et d'azote de se recombiner, ce qui engendre des émissions lumineuses, dans l'ultraviolet dues à l'oxyde nitrique (NO), ainsi que des émissions à 1,27 microns dans le proche infrarouge dues à l'oxygène (O2).

    Une émission de NO comparable a été détectée dans l'atmosphère de Mars par l'instrument SPICAM de Mars Express en 2005. Étant donné qu'elle était aussi attribuée à la circulation atmosphérique, les scientifiques s'attendaient à voir l'émission associée à l'O2, mais la lueur nocturne de l'oxygène moléculaire excité n'a été confirmée que plus tard avec les premières observations d'OMEGA publiées en 2012.

    "Nous pensons que la faible intensité de l'émission infrarouge de l'oxygène dans la nuit martienne peut s'expliquer par une descente plus lente de l'air froid - ce qui signifie moins de recombinaisons d'atomes d'oxygène - et un bombardement moins intense par la lumière ultraviolette solaire, ce qui réduit le taux de photodissociation côté jour," explique Jean-Loup Bertaux du LATMOS / Université de Versailles Saint-Quentin, premier auteur de l'article.

    Les auteurs pensent que ces émissions de lumière naturelle sont clairement associées à la circulation atmosphérique de la planète. Bien que peu d'observations directes des vents à haute altitude n'aient été réalisées jusqu'à présent, on pense que l'air s'élève au-dessus du pôle de l'été, plus chaud, traverse l'équateur et ensuite descend près de l'autre pôle, en hiver, côté nuit. Cette circulation prendrait la forme d'une cellule de Hadley simple, exactement comme le déplacement atmosphérique qui se produit sur Terre de part et d'autre de l'équateur.

    Comme le prédisent les modèles de circulation générale de Mars, toutes les observations des émissions lumineuses ont été obtenues à hautes latitudes, au cours de la nuit hivernale. En effet, le gaz plus froid, descend au-dessus du pôle non illuminé par le soleil (le cas terrestre est similaire).

    "Lorsqu'elles sont exposées aux radiations UV solaires au-dessus de 70 km d'altitude, les molécules de dioxyde de carbone - le principal composant de l'atmosphère de Mars - sont dissociées en monoxyde de carbone et atomes d'oxygène," dit Jean-Loup Bertaux.

    "Ces atomes d'oxygène sont transportées par une gigantesque cellule de Hadley, qui présente une branche ascendante au-dessus du pôle côté jour (été) et une branche descendante au-dessus du pôle côté nuit (hiver). Les atomes d'oxygène se recombinent en molécules d'oxygène dans la branche descendante de la cellule de Hadley, à une altitude entre 30 et 50 km."

    D'autres observations sont nécessaires pour confirmer ce qui se passe autour de la période des équinoxes martiennes, lorsque le Soleil éclaire l'équateur ainsi que les deux pôles. Autour de ces dates, les données d'OMEGA et le modèle de circulation générale montrent qu'un système différent s'installe, avec deux cellules de Hadley symétriques. L'air monte près de l'équateur, et se divise en deux branches, l'une allant au nord et l'autre au sud, avec l'air qui descend simultanément au-dessus des deux pôles.

    L'article suggère également que les observations des émissions nocturnes par OMEGA peuvent aider à résoudre le mystère du méthane martien. Bien qu'il soit rapidement détruit par les UV solaires, ce gaz a été détecté dans l'atmosphère.

    Les auteurs considèrent que l'effet de la circulation de Hadley sur la stabilité du méthane et concluent que le recyclage de l'atmosphère à haute altitude semble bien trop lent pour diminuer de façon significative le temps de vie du gaz près de la surface.

    "Ces découvertes fournissent des contraintes importantes pour l'ensemble de l'aéronomie et la dynamique atmosphérique de Mars," dit Olivier Witasse, responsable scientifique du projet de Mars Express. "Elles devraient aussi stimuler la recherche sur l'atmosphère de la Terre, par la comparaison de processus gouvernant la circulation atmosphérique des deux planètes voisines."

    Source : ESA